Partie 4. La période coloniale du Dahomey 

Dahomey : Entrée des troupes à Abomey (13 novembre). Le général Dodds est porté en hamac. Dessin de Louis Tinayre, d'après un croquis d'Abel Tinayre
Le 19ᵉ siècle marque un autre tournant décisif, où les ambitions européennes pour le contrôle des terres et des ressources d’Afrique de l’Ouest ont conduit à une domination quasi-totale.

La conquête européenne : Le démantèlement des royaumes

Le processus de colonisation du Bénin, alors connu sous le nom de Dahomey pour les Européens, a été marqué par une série de conflits violents. Les Français, qui avaient déjà établi une forte présence dans la région côtière grâce à leurs comptoirs commerciaux, cherchaient à étendre leur influence à l’intérieur des terres. 

  • Le Dahomey, sous le règne du roi Béhanzin (1889-1894), fut l’un des derniers bastions de résistance contre la colonisation. Ce royaume, qui avait prospéré grâce à son organisation militaire et économique, refusait de se plier aux exigences françaises. 
  • Les guerres franco-dahoméennes (1890-1894) : Ces conflits opposèrent l’armée du Dahomey, incluant les célèbres Amazones ou plutôt Agojiés, aux troupes françaises, bien équipées et soutenues par une logistique européenne. Malgré leur bravoure, les forces dahoméennes furent vaincues, marquant la chute définitive du royaume. 
  • En 1894, après la capture de Béhanzin, le Dahomey devint une colonie française, intégrée au territoire de l’Afrique-Occidentale française (AOF). 

Le système colonial : Une transformation imposée 

Avec la colonisation, les royaumes béninois perdirent leur autonomie politique et économique. Les Français imposèrent leur système administratif, souvent en ignorant ou en détruisant les structures existantes. 
  • Une administration centralisée : 
•Les Français introduisirent un système de gouvernance basé sur des “cercles” administratifs, dirigés par des administrateurs coloniaux. 
•Les rois et chefs traditionnels furent relégués à des rôles symboliques, souvent utilisés comme intermédiaires pour faciliter la collecte des impôts ou la mise en œuvre des ordres coloniaux. 

  • Exploitation économique : 
•Les ressources naturelles du Bénin, notamment l’huile de palme, devinrent un moteur économique pour la France. Les paysans locaux étaient contraints de cultiver des produits destinés à l’exportation, souvent au détriment de leur propre subsistance. 
•Des infrastructures, comme les chemins de fer et les ports, furent développées, mais principalement pour servir les intérêts économiques de la métropole. 

  • Impact sur la culture et la religion : 
•Le système éducatif colonial, axé sur la langue française et les valeurs européennes, tenta d’effacer les traditions locales. 
•Le christianisme fut encouragé, tandis que le vaudou et d’autres pratiques spirituelles furent marginalisées, bien qu’elles continuent de prospérer clandestinement. 

La résistance locale : Un esprit indomptable 

Malgré la domination coloniale, les Béninois ne cessèrent jamais de résister, parfois ouvertement, parfois de manière subtile. 
  • Révoltes armées : Outre la résistance initiale menée par le Dahomey, des soulèvements sporadiques éclatèrent dans différentes régions du Bénin, notamment dans le nord, où des royaumes comme Nikki refusaient de se soumettre aux ordres français. 
  • Résistance culturelle : Les pratiques culturelles et spirituelles, comme le vaudou, devinrent des moyens de préserver l’identité béninoise face à l’assimilation forcée. 
  • Le rôle des intellectuels : À partir du début du 20ᵉ siècle, une élite instruite, souvent formée dans les écoles coloniales, commença à revendiquer davantage de droits pour les Africains, posant les bases des futurs mouvements nationalistes. 

Les paradoxes de la colonisation 

Si la colonisation a laissé des cicatrices profondes, elle a également introduit des changements qui allaient façonner l’avenir du Bénin. 
  • Modernisation partielle : Les infrastructures construites pendant la période coloniale, comme les routes, les chemins de fer et les ports, ont contribué à connecter les différentes régions du pays. Cependant, ces développements étaient principalement destinés à servir les intérêts français, souvent au détriment des populations locales. 
  • L’émergence d’une conscience nationale : Paradoxalement, la domination coloniale a favorisé l’unité parmi les différents peuples du Bénin. Face à un ennemi commun, les communautés, autrefois divisées par des rivalités royales, ont commencé à se percevoir comme un seul peuple. 

Les lieux de mémoire de l’ère coloniale

Aujourd’hui, plusieurs sites au Bénin témoignent de cette période complexe : 
  • Abomey : Les palais royaux, bien qu’érodés par le temps, conservent les traces des luttes contre la colonisation. Les récits des guides locaux rappellent la bravoure des rois dahoméens. 
  • Ouidah : Ce port, déjà central dans le commerce d’esclaves, devint un point stratégique pour les Français. La ville abrite encore des bâtiments coloniaux qui racontent cette époque. 
  • Cotonou : La capitale économique du Bénin s’est développée sous l’administration coloniale, et son architecture mélange aujourd’hui les influences locales et coloniales. 

Ce que cette période m’inspire

Lorsque je visite Abomey ou Ouidah, ou que j’entends les récits des descendants de cette époque, je ressens un mélange d’émotions. D’un côté, il y a la douleur d’une domination imposée et des transformations brutales qui ont bouleversé une région entière. De l’autre, il y a une admiration profonde pour la résilience des peuples de l'actuel Bénin qui n’ont jamais cessé de préserver leur identité et de résister, même sous les formes les plus subtiles. 
La colonisation n’est pas un simple chapitre de l’histoire du Bénin ; c’est une période qui continue d’influencer le présent. En tant que voyageuse et passionnée d’histoire, je crois qu’il est essentiel de reconnaître cette complexité pour mieux comprendre la richesse de la culture béninoise contemporaine. 
SOMMAIRE 
À travers cette série, j'ai pris plaisir à collecter ces récits pluriels qui rendent hommage au passé de ce pays que j'aime et les recherches m'ont fait réaliser combien il reste difficile de trouver l'information. 

Il y a 3000 ans : 
Partie 1 : Les racines des peuples de l’actuel Bénin : 
Les Adja Tado 

Vers 1620 : 
Partie 2 : La naissance des grands Royaumes du Bénin actuel 

À partir de 1450
Partie 3 : Les invasions européennes dans l’histoire de l’actuel Bénin  

1894 -1959 :
Partie 4 : La période coloniale française du Dahomey  

1960 - ...
Partie 5 : De l’indépendance à aujourd’hui : L’émergence de la nation du Bénin


Rendez-vous chaque semaine de février pour un nouveau blog !